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Un sceptique dans le monde (merveilleux ?) de la méditation. Partie 1 : la retraite.

Tel un aventurier du scepticisme j’ai participé début Mai à une retraite méditative de 7 jours. Le sujet de la méditation m’intéresse beaucoup, j’avoue avoir été de ceux, même parmi les sceptiques, à être séduits par toutes ces recherches touchant à la pratique de la méditation de pleine conscience. A l’image de Dan Harris, et afin d’approfondir ma pratique, j’ai jugé utile d’effectuer une retraite de méditation intensive d’une durée d’une semaine.

Je vous livre ici un résumé de ces aventures vues sous l’œil d’un sceptique. Dans cette première partie je vous présenterai l’organisation générale de la retraite, dans une seconde partie je partagerai mon ressenti de sceptique face à certains propos entendus lors de cette retraite, je proposerai dans cette même partie une conclusion concernant l’utilité ou non de faire ce type de retraite pour un sceptique s’intéressant à la médiation.

Le cadre


7 jours de retraite dans le Cantal, en haut des montagnes, dans un gîte. Le cadre est vraiment magnifique, des chevaux et des vaches se baladent en pleine nature. Cadre au top. 
Magnifique vue du Cantal. 


Des règles strictes à respecter.

Le soir de mon arrivée j’ai assisté à l’ouverture de cette semaine de retraite, l’occasion pour les organisateurs de nous présenter les règles que nous devrons scrupuleusement respecter durant le séjour. 
Voici comment elles s’articulent : n’adresser la parole à aucun autre méditant avant la rupture du silence (Noble Silence), ne regarder aucun des autres méditants dans les yeux, baisser le regard (Noble regard). Ajoutons à cela ce que l’on appelle les « préceptes », une sorte de liste de règles énoncées ainsi :
·         S’efforcer de s’abstenir de tuer tout être vivant
·         S’efforcer de s’abstenir de prendre ce qui ne lui est pas donné
·         S’efforcer de s’abstenir de toute activité sexuelle
·         S’efforcer de s’abstenir de mentir
·         S’efforcer de s’abstenir de consommer tout produit intoxicant (alcool, drogue, cigarettes)
·         S’efforcer de s’abstenir de musique, de chant, de danse, de fleurs, parfums, bijoux et autres parures
·         S’efforcer de s’abstenir de fauteuils et lits somptueux.

Cela fait pas mal de « règles », certaines élémentaires, d’autres plus dures à tenir (comme le contact visuel). Au final, l’absence de dialogue avec les méditants n’a pas été si contraignante que je ne l’imaginais, en réalité le langage corporel (un hochement de tête, un petit sourire etc.) prenait parfois la relève.

Le planning

Le planning lui aussi était assez strict :
·         4h30 lever
·         5h-6h  méditation assise (2*20’), en marche (20’)
·         6h-7h méditation assise (2*20’), en marche (20’)
·         7h-8h petit déjeuner des femmes
·         8h-9h petit déjeuner des hommes
·         10h-11h méditation assise (2*20’), en marche (20’)
·         11h-12h méditation assise (2*20’), en marche (20’)
·         12h-13h discours (30’), Metta méditation (médiation sur la compassion et l’amour altruiste)
·         13h-15h  déjeuner (végétarien), repos et/ou entretien avec l’enseignant
·         15h-16h méditation en marche en forêt
·         16h-17h méditation assise ou debout en pleine nature
·         17h-18h méditation en marche (retour)
·         18h-20h repos et/ou entretien avec l’enseignant, questions-réponses
·         20h-21h Discours
·         21h 22h méditation assise (2*20’), en marche (20’)

Beaucoup de méditations donc, environ 8h par jour, sachant qu’il nous était demandé de rester « dans l’instant présent » tout au long de la journée, dans le moindre de nos mouvements, qui devaient être lents et pleinement conscients.
Les méditations assises avaient lieu dans une ancienne chapelle rebaptisée en « Dhamma Hall », les hommes et les femmes étaient séparés, pour éviter les « tentations », un feu de cheminée nous réchauffait.
Les journées étaient donc assez longues et fatigantes.

La prise du refuge

Afin de garantir la meilleure semaine méditative possible nous avons été invités à « prendre refuge » en chantant un chant à l’honneur du Bouddha. Cela me permet de noter deux choses, la première est que j’ai refusé de participer au chant car la prise de refuge signifie avant tout une pratique de conversion au Bouddhisme, chose qui n’a pas été explicitée, ou nous a juste invité à chanter. 

La seconde est que cela confirme l’inanité de phrases entendues ici et là disant « le Bouddhisme est une philosophie, non pas une religion ». C’est strictement faux, le Bouddhisme EST une religion et le Bouddha est une figure éminemment religieuse au même titre qu’un prophète pour les religions monothéistes, et non pas un simple philosophe. Et comme toutes les religions le Bouddhisme a ses dogmes, ses dévotions et aussi ses contradictions.

représentation des divinités Bouddhistes.


Voyez donc par vous-même une traduction du chant :

« Le Seigneur Bouddha est digne de vénération
Le pleinement éveillé, doué de connaissance suprême et conduite vertueuse (Omniscience + Bonté ?)
Doué de la parole juste Doué de la connaissance des mondes (omniscience ?)
Leader incontestable, capable d’aider tous les êtres (omnipotence ?)
Maitre enseignant des dieux et des hommes
L’Eveillé, le Bienheureux, le Béni. »


Si vous n’arrivez pas à remarquer la presque déification du Bouddha dans ces paroles je vous invite à les relire avec un peu plus d’attention.

Les entretiens avec l’enseignant

Tout au long de la retraite, un enseignant nous guidait dans toutes les méditations. Son rôle ne s’arrêtant pas là, il se tenait disponible pour toute question concernant la pratique, on pouvait demander un entretien avec lui pendant les différentes pauses de la journée. Il n’y avait pas d’entretien obligatoire, l’ «étudiant » était pleinement libre de poser ses questions à l’enseignant. Personnellement, je n’ai posé qu’une question relative à la position assise que j’avais du mal à tenir sur la longueur, les conseils de l’enseignant (changer légèrement la position notamment) m’ont grandement aidé.

Les questions/réponses

Dans le Dhamma hall nous pouvions écrire des questions à l’intention de l’enseignant, questions auxquelles il apporterait une réponse en début de soirée dans un temps spécialement consacré à cela. Les questions étaient anonymes, j’en ai posé quelques-unes en sceptique que je suis. Voici deux d’entre elles :
« Le Bouddhisme parle souvent du « non attachement » aux idées, aux gestes, même à l’enseignement, pourtant on trouve beaucoup de rituels dans la pratique (notamment le fait de se tourner vers le Bouddha, de se pencher de telle ou telle manière devant la statue, se prosterner un nombre exact de fois etc.), la pratique des rituels de manière si codifiée n’entre-elle pas en contradiction avec le « non attachement » aux idées et aux gestes ? »

" Ayya Khema (une none Bouddhiste qui aurait atteint, selon certains bouddhistes, l’ « Illumination ») dit que la « voie du Bouddha » ne repose que sur l’expérience propre et non pas sur l’adhésion à des dogmes invérifiables, elle compare même la démarche du Bouddha à une démarche purement scientifique. Pourtant Ayya Kema fait très souvent appelle aux notions de Karma et de réincarnation pour lesquelles on ne peut rapporter apporter aucun fait ou « expérience », ne sommes-nous pas là face à une adhésion à des dogmes ?"

J’avoue ne pas avoir été convaincu par les réponses de l’enseignant. A ma première question il répondit qu’il ne s’agissait pas d’un attachement aux rituels mais d’une marque de « respect » envers le Bouddha. Pour la seconde question il apportera la réponse : « je ne sais pas, il faudrait lire le livre d’ Aya Kema »

La fameuse Ayya Khema 


Les cours du soir

Le soir nous avions le droit à un cours sur certains aspects du Bouddhisme. Certains de ces cours étaient rédigés par un moine nommé Achariya Supanienda, malheureusement décédé quelques jours avant la retraite, d’autres étaient issus de récits écrits par Ayya Kema. 

Les cours rédigés par le moine étaient franchement intéressants et véritablement laïques, on peut ne pas être d’accord avec la logique de la philosophie défendue (c'est parfois mon cas), mais je n’ai pas entendu de propos sortant du cadre de la philosophie et s’approchant du cadre strictement religieux. 

Il n’en fut pas de même avec les cours issus des écrits d’Ayya Kema avec lesquels j’ai eu beaucoup, beaucoup de mal. Le niveau de dévotion (et même de dogmatisme !) présent dans ces écrits était très dur à supporter pour un sceptique. Dans la partie deux je détaillerai un peu plus les réserves que j’ai eu concernant ces écrits.

Le bâton de parole

Quand vint le dernier jour de la retraite, les langues purent se délier et les yeux se relever grâce à la cérémonie du « bâton ». Cette cérémonie consiste à prendre un « bâton de parole » (vous avez bien lu) un à un afin de se présenter aux autres méditants et de faire un feedback de son expérience.

Cette cérémonie m’a fait entendre des témoignages touchants, d’hommes et de femmes aux parcours divers, la plupart d’entre eux disent avoir vécu la meilleure expérience de leur vie, leur sincérité ne fait aucun doute.
Quand vint mon tour j’ai pensé à respecter l’interdiction de mentir en me présentant ouvertement comme un sceptique, j’ai fait tout aussi ouvertement part de mes doutes concernant certaines choses que j’avais entendu pendant mon séjour (j’en parlerai en partie 2), le feedback est néanmoins positif, ma pratique de la méditation s’est grandement améliorée et je me sens pleinement ressourcé. J’ai remercié l’enseignant pour son approche parfois un peu pseudo scientifique, mais quand même globalement laïque.


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