Un sceptique dans le monde (merveilleux ?) de la méditation. Partie 2 : New Age, conspiration et méfiance à l'égard de la science.
Dans cette
partie je vais faire un résumé de certaines choses qui, en tant que sceptique,
m’ont dérangées pendant ma retraite méditative de 7 jours. Ces choses vont de
quelques idées pseudoscientifiques sur la vie après la mort, somme toute assez
inoffensives, à la propagation d’une méfiance à l’égard de la médecine
proprement alarmante.
Remplacer l’âme par l’Energie.
On dit souvent
du Bouddhisme qu’il rivalise avec la notion dualiste corps/esprit propagée par
la vision judéo-chrétienne. J’ai un peu de mal avec cette idée dans le sens où
je considère que le Bouddhisme ne fait pas mieux. Certes il lie corps et esprit
(avec des dérives que je traiterai juste après) mais plutôt qu’une âme il
ajoute une sorte de flux d’énergie parcourant le corps. Ainsi, une bonne
position lors de la méditation assise permettrait une bonne « circulation »
de cette énergie.
Des « énergies »
j’en ai bouffé pendant cette retraite, à toutes les sauces (Chakra, physique
quantique, physiologie et même ostéopathie). Rien de méchant cela dit, je note
que l’enseignant rajoute presque toujours la formulation « du moins, si on
croit aux énergies ». Ainsi il nous dit que, certes nous ne pouvons pas
parler avec la bouche pendant la retraite mais aucun souci puisque nous
communiquons tous par « échange d’Energie ». A la fin de la retraite,
ayant mobilisé tellement d’énergie, l’enseignant nous prévient de nous méfier
de l’influence du monde extérieur car nos canaux énergétiques (en particulier
ceux situés vers le cœurs) sont pleinement ouverts. Je m’attendais un peu à ce
genre de propos, rien d’étonnant pour moi jusqu’à présent.
Les différents "canaux énergétiques" aussi appelés "Chakras". |
Effet de l’esprit sur le corps ou explication du mal de dos par un traumatisme psychique.
Les choses
commencent à déraper quand l’enseignant propose de donner une explication
pseudo-médicale à des problèmes physiques. Ici nous sommes en face d’une idée
répandue dans le New Age mais déjà présente dans le Bouddhisme : des
blessures et des mal-êtres physiques peuvent être des symptômes de blessures
psychologiques plus profondes. Par exemple, une méditante s’est plaint d’un mal
de dos, elle demande si elle peut reposer ce dernier contre le mur (ce qui est
contraire à la pratique qui demande de maintenir soi-même son dos droit, parce
que : circulation des énergies).
Face à cette demande l’enseignant, avec
un air assez mystérieux, lui rétorque : « si vous voulez vous
décharger de vos problèmes le mur les prendra pour vous, vous pouvez aussi
décider de les affronter ». Il expliquera par la suite qu’un banal mal de
dos cache en fait une blessure psychologique qui peut même remonter à
l’enfance, ainsi, affronter son mal de dos c’est affronter son traumatisme.
On imagine
aisément le genre de dérives que peut provoquer ce genre de raisonnement.
Un regard critique concernant les études sur la pleine conscience
Certains scientifiques
font part de leur scepticisme concernant les nombreuses études sur les effets
de la méditation de pleine conscience, force est de constater qu’ils ne sont
pas les seuls à exprimer leurs doutes. Un méditant expérimenté a pris la parole
pour nous parler des recherches sur la méditation.
D’un point de vue médical il
ne nie pas les effets positifs mais d’un point de vue Bouddhiste il estime qu’une
méditation laïque est une méditation amputée. Pour reprendre ses mots exacts il
pense que « la méditation de pleine conscience laïque c’est comme se
baigner dans un pédiluve alors que la méditation Vipassana (méditation
Bouddhiste) c’est se baigner dans un océan ».
Pour lui, en écartant le
contexte Bouddhiste de la pratique on prive le patient de la quasi-totalité des
bénéfices de l’exercice. Au cours de mon séjour j’ai entendu de nombreuses
critiques envers Christophe André notamment, pour sa promotion d’une pratique
méditative laïque.
Une méfiance à l’égard des médecins.
Le point véritablement
sombre des propos entendus lors de cette retraite concerne la méfiance à l’égard de la médecine. Ainsi l’enseignant dit texto
« faites attention aux médecins, ils peuvent vous refiler volontairement
des maladies pour vous vendre des médicaments ».
L’enseignant nous relate
l’exemple d’un homme souffrant d’acouphènes, il voit le médecin et les choses
s’aggravent, il se tourne vers la méditation et, comme par magie, les acouphènes
disparaissent. L’enseignant en conclu donc que « la seule méthode qui
marche contre les acouphènes c’est la méditation », tout le reste (opérations, médicaments etc.) c'est de la manipulation en vue de nous vendre toujours plus de médicaments pour engrosser le Big Pharma.
Evidemment les
vaccins ne sont pas en reste, complot oblige les vaccins ne sont rien d’autre
qu’un outil de pouvoir de la médecine moderne. Rien de nouveau de ce côté-ci.
Ces propos (et
d’autres encore dans le même ordre d’idée) sont très alarmants. L’enseignant a quand même une position d’autorité pour la plupart des méditants présents, il
utilise là son « autorité » pour inviter à une méfiance non justifiée
à l’égard de la médecine moderne et des médecins.
Complot classique du Big Pharma |
Le cas Aya Kema
Comme je l’ai
écrit dans la première partie, nous avions en soirée une lecture de certains
écrits d’une none Bouddhiste nommée Ayya Khema. Ces écrits, datant de la fin
des années 80, début des années 90 parlent de la pratique du Bouddhisme dans la
vie Occidentale de manière générale. Notons que, pour certains Bouddhistes Ayya
Khema aurait atteint, comme le Bouddha, l’Illumination, une sorte d’état dans
lequel tout poison mental (avidité, haine, jalousie, ignorance) disparaît.
Ce serait un euphémisme
que de dire que j’ai eu du mal avec ces cours. Dans ces écrits se trouvaient
compactées tous les points négatifs que je trouve au Bouddhisme. Tout d’abord
j’ai constaté une vision des « non Bouddhistes » assez peu flatteuse
(une division religieuse classique en somme), ces derniers étant présentés
comme des gens « ordinaires » (l’expression utilisée par Ayya Khema),
qui n’ont pas suivi ou qui ne connaissent pas la voie du Bouddhisme.
Ainsi on a
l’impression que ce sont des gens un peu ennuyeux avec lesquels les
Bouddhistes, forcément plus sages, doivent composer tant bien que mal. Ayya
Khema prône clairement la séparation des Bouddhistes d’avec le reste de la
population en leur conseillant d’éviter de trop se mélanger, de se concentrer
sur leur pratique pour éviter les tentations.
Cela ne fait que
confirmer un fait évident : le Bouddhisme est une religion, et comme toute
religion elle met un point d’honneur à séparer le bon grain de l’ivraie, les
croyants qui suivent le bon chemin et les autres qui sont nécessairement
mauvais, égoïstes, ignorants etc.
Rien de vraiment
nouveau finalement. En revanche là où ça devient véritablement problématique
c’est quand Ayya Khema utilise son autorité d’Illuminée (c’est pas moi qui le
dit pour le coup) pour balancer des propos pseudoscientifiques sans la moindre
prise de recul. Ainsi elle nous dit que la science « a prouvé » que
la réincarnation existe parce que : EMI.
Elle nous informe aussi que notre
cerveau est divisé en deux parties, une partie gauche et une partie droite. On
devine ici la théorie « des deux cerveaux », un classique, seulement
ici elle est servie avec une touche de misogynie, voyez plutôt : la partie
gauche du cerveau est la partie émotive du cerveau, c’est donc la partie
féminine, en revanche la partie droite du cerveau est la partie rationnelle,
c’est la partie masculine.
Ayya Khema, droit dans ses bottes d’Illuminée (c’est
pas moi qui le dit) soutient que, si les femmes ont plus de mal avec la
pratique Bouddhiste c’est parce que la partie émotionnelle de leur cerveau est
plus importante, alors que pour les hommes c’est le contraire. Ainsi, juste milieu
oblige, il faut un peu de masculinité pour contrebalancer la féminité exacerbée
du cerveau des femmes (j’hallucine de devoir écrire ça) et inversement pour les
hommes.
Lorsque j’ai
entendu ces propos, et je vous épargne ceux sur la réincarnation et le karma,
je n’ai pas pu m’empêcher de me dire : apparemment l’Illumination ne
protège pas contre l’ignorance qui est pourtant l’un des « poisons mentaux ».
Je pense par ailleurs que ce concept d’illumination n’est qu’une fadaise
religieuse sans le moindre sens qui peut s’avérer dangereux car il donne à celui ou celle
qui en est l’objet le statut d’autorité infaillible, on voit bien ici le
ridicule que ça peut donner. Le plus grave étant que ces propos ne sont soumis à aucun scepticisme, puisque justement ils proviennent d'une femme ayant atteint l'Illumination, donc infaillible.
Représentation Bouddhiste de l'Illumination. Ici celle de Siddharta Gautama ou "Bouddha". |
Il y a-t-il un sceptique dans la salle ?
Nous étions une soixantaine
en tout à venir méditer pendant 7 jours dans ce magnifique paysage au cœur du
Cantal. Je ne m’attendais pas à être entouré de zététiciens, cependant je ne
m’attendais pas non plus être véritablement le seul sceptique.
Cette bizarrerie
statistiquement improbable m’a un peu déboussolé. Lors du dernier jour, quand
nous avons pu parler les uns avec les autres je me suis rendu compte de deux
choses.
La première est que certes il ne faut pas être Bouddhiste pour
participer à une retraite méditative. La seconde est que, en revanche, on est
carrément dans le milieu New Age. J’ai dû parler avec ou entendre (via le bâton
de parole) tout le monde et j’ai vite constaté que tous croyaient d’une manière
ou d’une autre (à ou aux Dieu(x), aux esprits, aux capacités psi, etc.).
Une
femme nous a vanté les pouvoirs illimités de l’intuition à laquelle "il faut
toujours faire confiance" (je connais un ou deux chercheurs en psycho qui
seraient pas trop d’accord avec ça). Une autre nous parle du « saut
quantique » qui se passe en chacun de nous et qui nous transformera en
êtres illuminés.
Un homme nous parle du ressenti de ses cellules qu’il a pu
éprouver lors des méditations, un autre nous parle des divers
« signes » qui l’ont amené jusqu’ici etc…
J’ai eu un début
de soulagement quand, après avoir parlé de mes études en psychologie à un père
de famille qui me dit « ha c’est cool ma fille a aussi fait des études en
psycho » .
Soulagement de courte durée quand l’homme poursuit :
« elle fait de la psycho-généalogie, c’est vraiment super ce truc, c’est
scientifique ».
Épuisé après une semaine de méditation (et surtout un jour
à écouter des témoignages à faire exploser mon compteur de biais cognitif) je
n’ai pas eu la force de débattre, j’ai fait mine de ne pas connaitre le sujet.
Voici comment je me suis senti pendant la fameuse cérémonie du "bâton de la parole". |
Conclusion.
Vous savez
maintenant tout ou presque sur ma retraite méditative de 7 jour dans le Cantal.
Bilan mitigé, sur le plan du ressenti ce fut une très bonne expérience, j’en
suis sorti serein, ressourcé.
Cependant je n’ai aucun moyen de savoir si ces
sensations sont le fait de la méditation ou le fait d’autres facteurs comme l’isolement
dans un magnifique paysage, le fait de ne pas parler pendant des jours, ou encore fait
d’être coupé du monde (réseaux sociaux notamment).
Bilan négatif concernant
le contexte bien trop religieux et New Age, force est de constater qu’il ne
s’agissait pas ici d’une approche laïque de la méditation mais d’un curieux mélange
entre Bouddhisme et New Age parfois dur à digérer.
Tout ceci
m’amène à ne conseiller la retraite méditative pour les sceptiques que par
curiosité intellectuelle. Ne vous attendez pas à découvrir de grandes
révélations sur votre conscience, vous allez en revanche améliorer votre
posture, votre endurance en somme, mais guère plus j’en ai peur.
Je précise qu’à
l’heure où j’écris ces lignes j’ai une vision beaucoup plus sceptique concernant
les effets de la pratique de la méditation. Après deux ans de pratique assidue
j’ai eu de sérieux doutes concernant l’efficacité à long terme de la méthode.
J’ai donc effectué une recherche scientifique critique et surtout, j’ai lu un
livre formidable : « the Buddha Pill : Can meditation change
you ». Ce livre fait une large revue de l’état de l’art concernant la
méditation transcendantale, la méditation de pleine conscience et le yoga.
Les
conclusions tirées par les auteurs seront présentées dans un prochain article
mais pour faire court et vous spoiler un peu : les études sur la
méditation sont en général super mal foutues et quand elles sont proprement
réalisées (répartition aléatoire des sujets, double aveugle, condition
contrôle réellement pertinente) l’effet de la méditation disparaît purement et
simplement.
Vous trouverez sur ce
lien des articles d’un ancien moine Bouddhiste qui aujourd’hui est très
critique concernant la méditation et ses prétendus bienfaits. http://skepticmeditations.com/.
Quant à moi je publierai un article très prochainement qui présentera les nombreuses critiques et doutes que j'ai concernant les effets de la Mindfulness, en présentant quelques méta-analyses pointant de sérieux problèmes méthodologiques (et éthiques) entourant ce sujet de recherche.
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